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L’importance de l’eau

23/03/2021

Écrit par Jennifer Perron
Chargée des dégustations et des visites à La Souche

Imaginez la Terre sans eau… Ridicule, n’est-ce pas? Maintenant, imaginez la bière sans eau… Bien que cet élément puisse sembler anodin, l’eau compose environ 90% du volume liquide de la bière. Comme l’eau en constitue la majorité (n’oublions pas la levure, le houblon et le malt), on se doute bien que sa composition chimique influence la dégustation de notre boisson maltée. Je n’ai pas l’intention de vous donner un cours de chimie, n’étant pas experte en la matière, mais je voulais en apprendre davantage sur le sujet et vous partager mes découvertes.


Une vague d’histoire

La quantité des minéraux présents dans l’eau varie d’un endroit à un autre. Auparavant, les brasseries ne possédaient pas d’équipements aussi sophistiqués qu’aujourd’hui et les brasseurs ne pouvaient pas modifier la composition chimique de l’eau. Ils devaient donc trouver quels types de céréales s’harmonisaient avec l’eau de leur région afin d’obtenir un produit final savoureux. Un exemple bien connu est la ville de Pilsen, en Tchéquie, où coule une eau douce et très peu minérale. En raison de cette pureté, les brasseurs n’étaient pas capables de brasser des bières foncées intéressantes. Cependant, ils ont constaté que l’équilibre entre les céréales pâles et l’eau offrait un résultat plus qu’alléchant : un style de bière limpide aux flaveurs délicates et désaltérantes, la pilsner. Un autre exemple est celui du village de Burton-on-Trent, en Angleterre, où les brasseurs avaient accès à une eau dure et riche en sulfates. Les maîtres-brasseurs ont réalisé que la dureté de l’eau s’agençait bien avec les houblons. Eh oui! Le village de Burton-on-Trent est réputé pour être la mère des IPA. De nos jours, les brasseries possèdent des équipements qui permettent aux brasseurs de contrôler leur eau (l’eau qu’ils utilisent) et d’en modifier la composition chimique s’ils désirent concocter un style en particulier.


Un déferlement de chimie

Comme mentionné plus haut, la composition chimique de l’eau diffère selon la situation géographique, mais aussi selon le climat, l’altitude, les minéraux présents dans le sol, etc. La connaissance du profil de l’eau accessible où la brasserie est établie demeure essentielle. De façon générale, les mairies donnent cette information, sinon une analyse en laboratoire demeure fort utile. Autre que les ions présents dans l’eau – listés ci-dessous –, le degré d’acidité, mesuré en pH sur une échelle de 0 à 14, importe. D’un côté, un pH trop faible nuit au bon fonctionnement des enzymes lors du brassage; de l’autre, un pH trop élevé provoque l’extraction des tanins de l’enveloppe du malt et donne une amertume astringente et déplaisante. C’est pourquoi, au moment de l’empâtage (l’étape qui consiste à mélanger les malts avec l’eau), les brasseurs ajoutent les minéraux dont ils ont besoin pour stabiliser le brassin et obtenir le pH souhaité. Voici les grandes lignes des principaux ions et de leur impact sur le produit fini : Les ions calcium : le calcium est essentiel dans les réactions chimiques du brassage. Il favorise la clarification et la stabilité de la bière et contribue à la saveur de celle-ci. Les ions magnésium : le magnésium alimente la levure et assure une fermentation saine. Les ions sulfate : le sulfate accentue l’amertume du houblon et donne un profil de goût sec et croustillant. Les ions carbonate et bicarbonate : plus l’eau possède une forte concentration en bicarbonate, plus elle est alcaline.

À l’inverse, une faible concentration équivaut à plus d’acidité. Les brasseurs choisissent un malt approprié pour baisser ou augmenter le pH, selon le style de bière brassée. Les ions chlorure : le chlorure, et non pas le chlore, apporte plus de rondeur à la bière et accentue les saveurs maltées. Les ions sodium : le sodium bonifie les saveurs du malt et donne du corps à la bière. Maintenant qu’on a réveillé le chimiste en nous, on peut mettre ces connaissances à profit et comprendre les caractéristiques sensorielles qui se trouvent à l’intérieur de nos bières préférées. Par exemple, quand on goûtera une bière brune bien maltée et ronde, on saura que oui c’est en partie en raison des grains, mais aussi à la présence de chlorure et de sodium. Un ingrédient qui nous semblait anodin en est maintenant un d’une grande importance.


Et au Québec?
Voici quelques exemples de bières différentes, québécoises, dans lesquelles les caractéristiques de l’eau sont mises de l’avant : À Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, la microbrasserie Le Naufrageur brasse la Gose-sur-mer, une gose (bière saline d’inspiration allemande) brassée avec de l’eau de mer puisée dans la baie des Chaleurs. À Val-des-Sources (anciennement la ville d’Asbestos) en Estrie, la microbrasserie Moulin 7 brasse la Ciel Ouvert, une session IPA blanche brassée avec de l’eau puisée dans une ancienne mine d’amiante. Après avoir discuté avec l’équipe du Moulin 7, elle m’a mentionnée que seul le premier brassin a été réalisé avec cette eau. À noter que les résultats d’analyses effectuées étaient impeccables, mais cette source d’eau n’étant pas contrôlée, la brasserie brasse maintenant la Ciel Ouvert avec leur eau à laquelle des minéraux sont ajoutés pour reproduire le profil minéral recherché.

À Stoneham et à Limoilou, ici même à la microbrasserie La Souche, l’Érable à Giguère est une bière brassée avec 100 % d’eau d’érable.

L’eau, élément fondamental, est présente dans toutes les étapes du brassage; de la culture des céréales au maltage, de l’empâtage à la fermentation et de la mise en contenant quelconque au nettoyage des équipements (surtout!). Enfin, toutes les raisons sont bonnes pour prendre soin de notre eau. Qu’on se le dise : « pas d’eau, pas de bière! »

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